V - Conditions de production

V - Conditions hygiéniques et sanitaires de production

A – Connaissances du personnel : un préalable fondamental

La fabrication de produits appertisés requiert des connaissances et un savoir-faire très techniques dans de nombreux domaines (maîtrise de la qualité et de l’étanchéité des conditionnements, validation des barèmes de traitements thermiques, utilisation d’autoclave, etc.).

Par ailleurs, le risque sanitaire associé (risque d’intoxination botulique en particulier) impose une grande rigueur dans la mise au point, la validation et l’application des traitements thermiques.

L’exploitant et le personnel de tout établissement de fabrication de produits appertisés doivent disposer des connaissances et savoir-faire adaptés à cette activité. A cet effet, les initiatives des organisations professionnelles, organismes consulaires, centres techniques, organismes de formation, en vue de l’organisation de cycles de formation spécifiques doivent être fortement encouragées.

B – Conditionnements et contrôle de l'étanchéité

1 - Inertie chimique des conditionnements

Les opérateurs de l’agroalimentaire doivent détenir une documentation technique relative à la conformité et à la sécurité des conditionnements utilisés au contact de denrées alimentaires.

Ces conditionnements doivent être destinés au contact des denrées alimentaires dans des conditions prédéfinies (conformité aux textes réglementaires : Reg CE 1935/2004 et textes spécifiques applicables). Pour plus de précisions, il est utile de consulter le site internet officiel suivant : DGCCRF - Matériaux au contact des denrées alimentaires.

Les opérateurs de l’agroalimentaire doivent utiliser les conditionnements dans les conditions de contact prévues dans la déclaration de conformité ou, en son absence, selon les instructions d’usage figurant sur l’étiquetage des matériaux ou, à défaut, selon les préconisations des documents accompagnant les conditionnements.

La conformité réglementaire des conditionnements utilisés ou leur innocuité dépend fortement des conditions de contact : durée, température et type de denrée alimentaire. D’autres paramètres peuvent être prédéfinis tels que les conditions de stockage et de transport des conditionnements ou d’autres paramètres pertinents.

2 - Surveillance de l’étanchéité des conditionnements

Divers conditionnements sont utilisés pour la production de denrées alimentaires appertisées visées par la présente note : boîtes métalliques (acier, aluminium) qui peuvent être vernies ou non, bocaux en verre, conditionnements en plastique souple, joints d’étanchéité en plastique ou en caoutchouc, etc.

Des équipements peuvent être nécessaires aux opérations de fermeture (sertisseuse, capsuleuse, thermoscelleuse, cloche à vide, etc.). Ils doivent faire l’objet d’une maintenance adaptée.

La surveillance (contrôles et enregistrements) de l’étanchéité des conditionnements est essentielle : elle doit être associée à une traçabilité de la production permettant d’identifier sans ambiguïté les récipients à bloquer en cas de contrôle de fermeture non conforme. La fréquence de cette surveillance est définie sous la responsabilité du professionnel et doit être adaptée au type de conditionnement, aux équipements et à la capacité de production de l'établissement ; en tout état de cause, cette surveillance est réalisée :

  • en début de production ou démarrage de ligne de fabrication ;

  • lors du changement de format ou du type de conditionnement ;

  • après enrayage ou réglage.

La détermination des paramètres de fermeture en fonction des équipements utilisés (exemple : caractéristiques dimensionnelles des sertis pour les boîtes métalliques, spécifications de serrage et de valeur de vide pour les bocaux en verre, etc.) est importante pour la définition des modalités de contrôle de l’étanchéité des conditionnements.

Les paramètres de surveillance sont spécifiques à chaque type de conditionnement : quelques exemples sont présentés en annexe III. (De plus amples informations sont accessibles dans le référentiel métier de la DGAL - accessible aux services de contrôle seulement - et dans les GBPH sectoriels

C – Définition et validation des barèmes de traitement thermique

Pour évaluer la valeur stérilisatrice ou pasteurisatrice minimale, il est rappelé que l’évaluation de la charge microbienne initiale est importante.

1 - Valeur stérilisatrice (produits à pH supérieur ou égal à 4,5)

Un traitement thermique est défini par un couple temps/température (barème de stérilisation) qui correspond à une valeur stérilisatrice pour les produits appertisés dont le pH est supérieur ou égal à 4,5.

La valeur stérilisatrice (notée VS ou encore F0 dans la littérature anglo-saxonne) permet d’évaluer l'intensité du traitement thermique de stérilisation appliquée au point le plus froid du produit et de comparer les différents traitements thermiques. Elle est exprimée en équivalent temps (minutes) passé à 121,1ºC pour les produits peu acides (pH ≥ 4.5) et est mise en relation avec le temps nécessaire pour détruire une quantité donnée d’un micro-organisme de référence. Pour les produits à pH ≥ 4,5, le micro-organisme de référence est Clostridium botulinum.

Le Paquet Hygiène ne fixe pas de niveau minimal de Valeur Stérilisatrice : elle est définie, sous la responsabilité du professionnel. Le Reg CE 852/2004 précise toutefois que « le processus de traitement thermique utilisé devrait satisfaire à une norme reconnue à l'échelle internationale». La valeur stérilisatrice minimale de 3 minutes est reconnue pour garantir un assainissement du produit vis à vis de Clostridium botulinum : cette valeur stérilisatrice correspond à la réduction de 1012 du nombre de spores de Clostridium botulinum. L’ANSES recommande[1] aux opérateurs l'application de cette VS minimale de 3 minutes pour les produits de pH supérieur ou égal à 4,5.

En pratique, cette valeur stérilisatrice minimale doit être souvent plus élevée que 3 minutes car elle doit assurer la destruction de bactéries sporulées non pathogènes présentant un risque d’altération des produits appertisés et dotées d’une thermorésistance supérieure à Clostridium botulinum : des VS bien supérieures à 3 minutes peuvent donc être nécessaires pour assurer la stabilité d’un produit appertisé (par exemple, en cas de contamination par des spores de la bactérie thermorésistante Geobacillus stearothermophilus).

Cas particulier du foie gras :

Une étude conduite par le CTCPA visant à caractériser les valeurs stérilisatrices des foies gras entiers et des blocs de foie gras a montré cependant que ce produit dont le pH est supérieur à 4,5, peut être stabilisé avec une valeur stérilisatrice inférieure à 3 minutes. Dans cette étude, la VS cible minimale a été de 0,6 minute pour obtenir la stabilité des productions. Cette valeur doit être associée au maintien d'un niveau d'hygiène satisfaisant à toutes les étapes de transformation du produit.

Des extraits de cette étude sont présentés en annexe IV.

2 - Valeur pasteurisatrice (produits acides ou acidifiés)

Les produits dont le pH est inférieur à 4,5 peuvent être pasteurisés (traitement thermique à une température inférieure à 100°C). Ce traitement thermique est défini par un couple temps/température (barème de pasteurisation) et caractérisé par une valeur pasteurisatrice.

La valeur pasteurisatrice (notée VP ou encore P0 dans la littérature anglo-saxonne) permet d’évaluer l'intensité du traitement thermique de pasteurisation appliquée au point le plus froid du produit et de comparer les différents traitements thermiques. Elle est exprimée en équivalent temps (minutes) passé à une température de référence de 93,3°C pour les produits acides ou acidifiés (pH <4,5). Les microorganismes cibles de référence pour les produits acides ou acidifiés sont, par exemple, Alicyclobacillus acidoterrestris ou Byssochlamys fulva.

Le Paquet Hygiène ne fixe pas de niveau minimal de valeur pasteurisatrice : elle est définie, sous la responsabilité du professionnel.

3 - Conception et validation des barèmes de traitement thermique

Les barèmes doivent être déterminés et validés par du personnel ou des organismes compétents, ayant une bonne connaissance du produit, des traitements thermiques et disposant du matériel adapté aux mesures de températures à cœur des produits et aux calculs associés. Un guide de bonnes pratiques (GBP), rédigé par le CTCPA[2], précise les modalités de conception et validation des barèmes de traitement thermique.

Chaque barème est spécifique d'un produit, dans un conditionnement donné et pour un procédé de fabrication : les facteurs pris en compte pour la mise au point des barèmes sont présentés en annexe V.

La validation des barèmes de traitement thermique, telle que définie dans le GBP mentionné ci-dessus, comprend :

  • Le choix raisonné d’une VS ou VP adaptée à appliquer au point critique du produit, et permettant d’assurer la stabilité biologique, compte tenu de la contamination microbiologique initiale,

  • Pour les produits non acides (pH ≥ 4,5) :

    1. la qualification de l’autoclave (localisation du ou des point(s) froid(s) au moyen, par exemple, d’une cartographie).

      Remarque : le traitement thermique doit être pratiqué à une température supérieure à 100°C.

    2. préalablement au démarrage de la production, l’enregistrement de l’évolution de la température et de la VS à cœur des produits sur une ou plusieurs fabrication(s), et ce, dans les conditions les plus défavorables (taux de remplissage maximal des conditionnements, sonde de température positionnée au point critique de produits placés au niveau du point froid de l’autoclave, température initiale du produit minorée, etc.) afin de vérifier que la VS requise est bien atteinte dans le produit.

      Un traitement de stérilisation ne peut être validé que si la VS conférée à cœur du produit est connue.

    3. la réalisation de tests de stabilité renforcés sur les unités de cette ou ces production(s), au moyen d’un test d’incubation à 32°C / 21 jours, afin de vérifier leur stabilité (se reporter au paragraphe E),

  • Pour les produits acides ou acidifiés (pH < 4,5) :

    1. la connaissance et la maîtrise du pH (naturel ou après acidification) pour chaque lot fabriqué.

    2. préalablement au démarrage de la production, la réalisation d’une ou plusieurs fabrication(s), et ce, dans les conditions les plus défavorables (pH ajusté à la limite haute tolérée pour le produit, taux de remplissage maximal des conditionnements, température initiale du produit minorée, etc.).

    3. la réalisation de tests de stabilité renforcés sur les unités de cette ou ces production(s), au moyen d’un test d’incubation à 32°C / 21 jours, afin de vérifier leur stabilité (se reporter au paragraphe E).

  • La réalisation de tests organoleptiques pour valider la qualité commerciale des produits.

Cependant, d’autres éléments, notamment issus de l'historique de l'établissement, pourront être examinés en remplacement partiel de certaines de ces données indispensables au cas par cas.

Exemples pour les produits à pH ≥ 4,5 :

  • un historique de résultats réguliers de tests de stabilité conformes obtenus sur un produit traité dans un conditionnement donné avec un barème de stérilisation conférant une VS élevée, peut être pris en considération dans le cadre de la validation de ce barème de stérilisation appliqué à ce produit ;

  • en fonction du type d'autoclave utilisé, la qualification de l'autoclave au moyen d'une cartographie peut ne pas être indispensable si l'établissement ne met en œuvre que des traitements de stérilisation dont les VS sont élevées pour l'ensemble des produits traités, chacun dans un conditionnement donné et associés à la réalisation de tests de stabilité renforcés;

D – Application des barèmes de traitement thermique

1 - Équipements

Techniquement, seul un appareil sous pression (autoclave ou stérilisateur) peut être utilisé pour la stérilisation des produits dont le pH est supérieur ou égal à 4,5. En effet, seuls ces équipements permettent d’atteindre une pression supérieure à la pression atmosphérique et, par conséquent, des températures supérieures à 100°C (cf. annexe VI).

Afin de satisfaire les exigences du Reg CE 852/2004 relatives à la sécurité sanitaire des aliments (article 5 et annexe II – Chapitre XI) et conformément au Code d’usages du Codex Alimentarius relatif aux conserves de produits alimentaires naturellement peu acides, les autoclaves doivent être dotés de dispositifs permettant le contrôle et l’enregistrement des paramètres de traitement thermique (thermomètre à lecture directe, sonde de température reliée à un enregistreur temps / température). D'autres dispositifs de contrôle permettant d'obtenir un résultat équivalent peuvent être utilisés sous réserve d'avoir fait l'objet d'une validation préalable et d'être intégrés au plan de maîtrise sanitaire.

L’étalonnage des instruments de mesure (thermomètres, compte-minutes, manomètre, etc.) est réalisé à un intervalle régulier fixé sous la responsabilité du fabricant. Certains GBPH formulent des recommandations quant à cette fréquence.

2- Eau de refroidissement des récipients soumis à un traitement par la chaleur

L’eau utilisée pour le refroidissement des récipients soumis à un traitement par la chaleur ne doit pas être une source de contamination des denrées alimentaires, et ce, afin notamment de prendre en considération le risque de micro-fuites possible des sertis avant refroidissement complet.

L’utilisation d’eau potable ou d'eau recyclée est autorisée pour cette étape de refroidissement. L'eau recyclée doit, dans ce cas, être traitée afin de ne pas contenir de micro-organismes, ni de substances nocives en quantités susceptibles d'avoir une incidence sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires. L'eau recyclée circule dans des canalisations distinctes de celles de l'eau potable, qui sont facilement identifiables.

Des substances autorisées (additifs, antitartres, anticorrosion et biocides) peuvent être ajoutées dans ces eaux de refroidissement pour lutter contre la corrosion ou l'entartrage des récipients et des stérilisateurs.

Des éléments complémentaires sont fournis dans la circulaire DGS/SD7A/2005/334 du 6 juillet 2005.

3 - Surveillance de l’application des barèmes

La surveillance (contrôles et enregistrements) de l’application des barèmes de traitement thermique pour chaque cycle de traitement thermique (stérilisation ou pasteurisation) est essentielle ; elle doit être associée à une traçabilité de la production permettant d’identifier sans ambiguïté les récipients à bloquer en cas de non-conformité.

Cette surveillance est assurée :

  • par le relevé manuel des paramètres de stérilisation ou pasteurisation (durée réelle du palier, température au thermomètre à lecture directe, pression, vitesse de rotation dans le cas d’autoclaves rotatifs, etc.) permettant au professionnel d'intervenir, le cas échéant, au cours du cycle de stérilisation ou pasteurisation en cas de non-conformité ;

  • au moyen de l'enregistrement automatique en continu des paramètres de stérilisation ou pasteurisation ;

  • ou par toute autre méthode équivalente validée et intégrée au plan de maîtrise sanitaire (par exemple par méthode biologique basée sur la cinétique de destruction des enzymes ou des spores d’un bacille thermorésistant non pathogène (ex. : Geobacillus stearothermophilus) : cas des tubes capillaires ou microcapsules fermés hermétiquement contenant une suspension d’enzymes ou de spores placés à l’intérieur d’un produit alimentaire avant conditionnement, puis collectés et analysés après traitement thermique).

Afin de garantir l'efficacité des barèmes appliqués, le professionnel s’assure, au préalable, de la maîtrise, notamment :

  • des conditions de remplissage des récipients (respect du poids et du pourcentage de matières solides) ;

  • pour les produits acides et acidifiés : du pH, et notamment du pH final à l'équilibre (c'est-à-dire, après traitement thermique et respect d’une période d’équilibrage à température ambiante). Une valeur cible inférieure à la limite critique de 4,5 est usuellement définie par les professionnels ;

  • de la température initiale du produit (température au remplissage et maîtrise des éventuels temps d'attente entre remplissage et autoclavage) ;

  • de la charge microbienne initiale.

E – Vérification de l’efficacité des traitements thermiques appliqués aux produits appertisés

L'efficacité des traitements thermiques appliqués peut être vérifiée par la réalisation de contrôles de stabilité sur les produits finis. Ces contrôles, définis dans les normes françaises AFNOR NF V08-401 (méthode de référence) et NF V08-408 (méthode de routine) consistent à incuber des produits avant de les soumettre à différents examens (aspect, odeur, texture, mesures de pH, examen microscopique).

Les modalités d'incubation des produits et d'interprétation des résultats sont les suivantes :

Produits à pH supérieur ou égal à 4,5

Produits à pH inférieur à 4,5

Modalités d'incubation

  • à 32°C pendant 21 jours (méthode de référence pour la validation des barèmes) ou 37°C pendant 7 jours (méthode de routine, pour les tests de stabilité de routine)

  • à 55°C pendant 7 jours (méthodes de référence et de routine)

  • à 32°C pendant 21 jours (méthode de référence) ou 37°C pendant 7 jours (méthode de routine)

Remarque : le test à 32°C durant 21 jours est fortement recommandé pour les produits acides ou acidifiés

Actions en cas de résultats non conformes

Le défaut de stabilité biologique à 32°C ou 37ºC doit conduire au blocage ou au retrait / rappel des produits et à la mise en œuvre d'actions correctives sur le procédé de fabrication.

Le défaut de stabilité biologique à 55ºC doit conduire le responsable de la fabrication à prendre les mesures correctives nécessaires pour améliorer l'hygiène des fabrications. Lorsque seule l’épreuve à 55°C présente un résultat de non stabilité (le produit étant stable à 37°C), le lot peut être commercialisé sous conditions (mesures correctives, localisation de la commercialisation).

Le défaut de stabilité biologique à 32°C ou 37ºC doit conduire au blocage ou au retrait / rappel des produits et à la mise en œuvre d'actions correctives sur le procédé de fabrication.

En cas de test de stabilité non conforme, il est recommandé au professionnel de faire appel à un centre technique tel que le CTCPA (Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles) afin d’identifier l’origine de la non-conformité.