Anx-XIV : Alertes liées aux corps étrangers et aux anomalies organoleptiques

Annexe XIV : Alertes liées aux corps étrangers et aux anomalies organoleptiques

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Les exploitants (ou l’administration) sont régulièrement confrontés à des signalements liés à des corps étrangers ou à des anomalies organoleptiques (odeur, texture, forme, couleur, goût anormaux).

  • Attention à ne pas confondre les parasites avec des corps étrangers (exemple : larve d’Anisakis spp. dans des filets de poissons). En raison de leur pouvoir pathogène propre, les parasites constituent avant tout des dangers biologiques avec des mesures de gestion spécifiques.

  • Attention également à faire la distinction entre anomalie organoleptique et contamination chimique avérée.

Pour simplifier, dans la suite du document, les non-conformités relatives aux corps étrangers ou organoleptiques sont désignées sous le terme « anomalies ».

La démarche est similaire dans tous les cas : le professionnel doit évaluer l'impact sanitaire de l'anomalie et son étendue (une seule unité de vente concernée ou nombreuses unités voire lots) et, en fonction, évaluer s'il y a lieu de la notifier à l'administration.

La présence de ce type d’anomalie peut être détectée dans différentes circonstances :

  • autocontrôle : par exemple détection par l’exploitant ou par l’un de ses clients, a posteriori de la commercialisation, d’un problème sur la ligne de fabrication ou lors de toute autre étape dans la fabrication, le conditionnement, le stockage ou le transport des denrées alimentaires ;

  • utilisation ou consommation de la denrée par le consommateur final (plainte consommateur).

La présence de corps étrangers ou d’anomalie organoleptique ne constitue pas toujours un danger (risque). Exemple pour les corps étrangers : la fiche outil de l’Anses de juin 2014 « Dangers physiques dans les aliments : corps étrangers » proposait des pistes pour l’évaluation de la situation. De même selon le Codex Alimentarius, seules les particules dures et acérées présentent un risque pour la santé publique.

En cas de détection d’une anomalie dans un produit, il peut être considéré que la notification à l’administration (dont l’alerte) est justifiée si :

  • l’anomalie rend le produit dangereux (préjudiciable à la santé ou impropre à la consommation humaine) ;

  • et si les investigations permettent de suspecter que la contamination n’est pas limitée à un seul produit (plus d’une plainte consommateur, ou plus d’une détection par autocontrôle, ou autres éléments d’appréciation sur l’origine de la non-conformité et l’extension de sa présence).

Dans le cas contraire, il s’agit d’un problème « qualité » qui n’a pas lieu d’être notifié.

Afin d’apprécier la situation et d’évaluer s’il y a lieu de notifier à l’administration, l’exploitant du secteur alimentaire qui a connaissance de la présence d’une anomalie dans un produit devrait s’interroger sur les points 1 à 3 détaillés ci-dessous. S’il conclut qu’il y a lieu de notifier l’anomalie à l’administration, la notification à l’administration devrait contenir les éléments clés de son évaluation de la situation.

Identification de la nature de l’anomalie

La description précise de l’anomalie doit être recueillie par le premier exploitant informé de la non-conformité. Elle est essentielle pour identifier en premier lieu le degré de dangerosité et la probabilité de présence de ce type d’anomalie dans la denrée alimentaire considérée.

  • L’anomalie représente-t-elle un danger pour le consommateur au sens de l’article 14 du règlement (CE) n°178/2002 ?

    • Le produit présentant l’anomalie est-il préjudiciable à la santé ?

      Exemple : produit contenant une lame coupante, un morceau de verre, un fil de fer, boîte de conserve gonflée.

    • Le produit présentant l’anomalie est-il impropre à la consommation humaine?

      Exemple : une salade « prête à l’emploi » contenant de nombreux escargots, cadavre de souris dans une boîte de conserve, moisissures sur un yaourt, nombreux vers dans la farine, insectes dans des biscuits.

  • L’anomalie est-elle facilement détectable, évidente ?

    Dans certains cas, l’anomalie est si imposante, visible, détectable à l’ouverture du produit que le consommateur la distinguera clairement dans la denrée et ne la consommera donc pas, ce qui exclut de ce fait tout risque pour le consommateur.

    Dans ces situations, la notification à l’administration est requise uniquement :

    • s’il est suspecté que d’autres produits présentant la même anomalie ne sont plus sous le contrôle direct de l’exploitant qui les a mis sur le marché ;

    • et si le produit est jugé impropre à la consommation du fait de la présence de l’anomalie.

  • La présence de ce type d’anomalie est-elle explicable ?

    La description précise de l’anomalie est essentielle pour permettre d’en identifier la nature en la comparant :

    • à des matériaux, des produits éventuellement en contact avec la denrée en amont (au cours de la dernière manipulation, au cours de sa fabrication, etc.) et qui ont pu la souiller ou s’y retrouver ;

    • à des composants intrinsèques des denrées (noyaux, arêtes, cartilage…)

      Exemple : une vis peut être identifiée comme appartenant à une machine précise utilisée pour la fabrication du produit. Une odeur chimique peut correspondre à un produit utilisé dans l’établissement. Une couleur fluorescente sur un yaourt peut être expliquée par une prolifération bactérienne suite à un défaut d’operculage.

    Pour des anomalies inhérentes à la nature de la matière première, le procédé de fabrication vise à limiter le plus possible la présence de ces éléments indésirables. Une présence ponctuelle, qui peut être régie par des niveaux de tolérance[1] prédéfinis sur une période ou un volume donné, ne requiert habituellement pas de notification d’alerte. À l’opposé, une présence massive démontre une perte de maîtrise du procédé de fabrication justifiant la mise en œuvre de mesures de gestion sur les produits en raison de leur caractère impropre, inacceptable pour la consommation humaine.

    Exemples : la présence de cailloux dans des lentilles, d’escargots dans une salade, les arêtes de poissons ou des noyaux de fruits dans des conserves de fruits, la présence d’esquilles d’os dans les viandes.

  • Le produit est-il destiné à une population adulte autonome ou à des consommateurs « sensibles » etc. ?

    Cela ne change souvent en rien la dangerosité mais cela peut moduler l’appréciation du risque sanitaire et donc les mesures de gestion (exemple : communiqué de presse impératif ou pas).

    Un adulte peut repérer l’anomalie facilement tandis qu’un enfant ou certaines personnes âgées seront parfois moins en capacité de l’identifier. Il convient de prendre en compte également le fait que la denrée est préparée par un adulte mais consommée par un enfant (exemple : un plat pour bébé réchauffé par les parents).

    Les plaintes concernant une anomalie dans des denrées alimentaires destinées à une population sensible (alimentation infantile notamment) peuvent engendrer une reprise médiatique, alors même que le risque n’est pas élevé.

Identification précise des informations liées au produit, à son obtention ou à son utilisation

En cas de plainte de consommateur ou d’information de la part d’un client ou d’un fournisseur sur la présence d’une anomalie, l’exploitant doit pouvoir identifier l’intégralité des produits susceptibles de présenter l’anomalie (cf. étape 3).

Pour ce faire, il est nécessaire que les informations pertinentes soient recueillies auprès du consommateur ou plus généralement de l’exploitant signalant l’anomalie. Selon le contexte, ces informations pourront être :

  • des informations relatives à l’identification du produit (référence et/ou marque, numéro de lot et/ou DLC/DDM, code emballeur et/ou numéro d’agrément, etc.) ;

  • des informations relatives au circuit de commercialisation et à l’obtention du produit par le consommateur ou l’exploitant :

    • cas d’un signalement d’un exploitant (client ou fournisseur) :

      • moyen d’acheminement du produit (froid positif, par mer, via une centrale d’achats ou un entrepôt etc.) ;

      • conditions de stockage ;

      • informations liées à l’utilisation du produit : transformation, incorporation, manipulation, reconditionnement, etc. ;

    • cas d’une plainte d’un consommateur :

      • lieu et date d’achat ;

      • type d’achat (à la coupe, en vrac, rayon libre-service etc.) ;

      • conditions de conservation du produit : placard, réfrigérateur, dans une cave ou à l’extérieur etc. ;

      • informations liées à l’utilisation et à la consommation du produit : transformation avant utilisation ou consommation (réchauffage, incorporation, cuisson etc.), moyen d’ouverture de la denrée, consommation isolée ou avec d’autres personnes etc. ;

      • environnement : consommation de la denrée en intérieur ou extérieur, sous un arbre, présence d’animaux de compagnie etc. ;

      • précision sur les éventuels dommages corporels avérés subis par les personnes exposées ;

      • détenteur de l’élément matériel constitutif de l’anomalie[2] : cet élément est-il encore détenu par le plaignant ou bien a-t-il été transmis par le plaignant aux autorités locales ou encore à un exploitant (fabricant ou intermédiaire) ? L’élément devrait être soigneusement conservé et décrit dans tous les cas de figure.

Recherche de l’origine de l’anomalie et d’autres produits susceptibles d’être concernés

  • L’anomalie est-elle associable à un élément présent dans l’établissement du dernier manipulateur de la denrée contaminée ?

    Exemples : morceau de vaisselle dans un restaurant, morceau de machine ou débris liés à des travaux dans une usine, escargot dans une salade dans un atelier fabricant des salades prêtes à l’emploi, liquide vaisselle sur un produit, moisissure lié à une mauvaise conservation, etc. ?

    Si oui : il convient d’évaluer s’il peut être suspecté que la contamination a pu toucher d’autres produits.

    Exemples : a-t-on recensé d’autres plaintes ? Quand la vaisselle du restaurant a-t-elle été cassée ? Quand ont eu lieu les derniers travaux dans l’usine ? Pourquoi le corps étranger métallique n’at-il pas été détecté dans le détecteur à métaux ? Le corps étranger était-il détectable par le détecteur à métaux ? Etc.

  • Ou doit-on plutôt supposer que cette anomalie provient d’une matière première ou d’un produit fini acheté par l’établissement dernier manipulateur ?

    Exemple : fil métallique trouvé à l’ouverture d’un cordon bleu servi dans un restaurant mais acheté tout prêt par le restaurant.

    Si oui, l’établissement dernier manipulateur prévient le fournisseur de la matière première ou du produit fini. Le fournisseur doit alors mener les investigations nécessaires pour déterminer l’origine de la non-conformité.

    Pour autant, l’exploitant dernier manipulateur du produit doit aussi s’assurer qu’il n’a pas commercialisé d’autres produits susceptibles d’être concernés par l’anomalie.

  • Dans un certain nombre de situations, à l’issue de toutes les investigations raisonnablement attendues, il n’est pas possible d’identifier l’origine de l’anomalie :

    Par exemple, si le signalement (plainte ou non-conformité détectée lors d’un autocontrôle) est unique, il n’y a pas systématiquement lieu d’aller plus loin. Il n’y a notamment pas lieu d’engager de mesures de gestion des produits.

    Lors de plainte consommateur, il convient d’envisager la possibilité que l’anomalie provienne de l’environnement du plaignant (erreur lors de la préparation, etc.). Les accidents domestiques ou les contaminations fortuites à domicile ne constituent pas une alerte sauf cas où le mode d’emploi du produit peut prêter à confusion, induire le consommateur en erreur et/ou induire l’anomalie, ce qui peut nécessiter une revue du mode d’emploi et de l’étiquetage voire un retrait pour éviter la survenue de blessures. L’hypothèse d’un acte de malveillance peut aussi être prise en compte selon le contexte (employé, plaignant, etc.).

[1] Par exemple, le Codex Alimentarius prévoit que, dans les confections dites sans arête des filets de poisson surgelés, la présence d’une arête de longueur strictement inférieure à 10 mm et de diamètre strictement inférieur à 1 mm est tolérable. Source : Codex Alimentarius. Norme pour les filets de poisson surgelés Codex STAN 190-1995. Adoptée en 1995. Amendée en 2011, 2013, 2014. Révisée en 2017. Disponible au lien suivant : http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/codex-texts/list-standards/fr/ (le 29/11/2022).

[2] En cas de transmission du produit contenant l’anomalie (ou l’anomalie seule si corps étranger) par le plaignant, il est recommandé au receveur (autorité locale ou exploitant intermédiaire entre le plaignant et le fabricant.) de prévoir un enregistrement écrit dans lequel le plaignant : 1/ atteste notamment avoir remis l’élément anomal mis en évidence ; 2/ et, selon la situation, donne son accord ou au contraire refuse que l’élément anormal soit envoyé à l’exploitant suspecté d’être à l’origine de la non-conformité ou encore envoyé pour analyse à un laboratoire.

Conduite à tenir face aux anomalies organoleptiques ou corps étrangers